Foire à Düsseldorf : j’apprends de mes clients. Le travail m’inspire !
Pendant plusieurs années, nous avons exposé à la foire de Rehacare à Düsseldorf, il s’agit de la plus grande foire commerciale pour les produits du secteur de la réadaptation. Nous avons toujours présenté nos derniers développements.
A l'une des foires, nous avons rencontré Detlef. Il avait notre âge. Il n'avait qu'un seul bras et pas de jambes. Il est né dans les années 60 et était manifestement l'une des victimes de la Thalidomide. Selon sa déclaration, il ne recevait pas de pension invalidité, c'est pourquoi il devait gagner sa vie en vendant toutes sortes de babioles et de bibelots. Afin de pouvoir rendre visite à ses clients potentiels pendant la foire, nous lui avons prêté un de nos véhicules CLASSIC. En contrepartie, il a distribué nos brochures. Nous sommes devenus amis et il est rapidement devenu l'un des nôtres. Hormis le fait qu'il lui était difficile de tenir un stylo et un bloc-notes dans la main, nous avons rapidement trouvé tout à fait normal d'être avec lui à la foire. Le soir, nous sommes sortis ensemble. Comme nous n'avions pas assez de véhicules, Paul Hurter, appelé " Pauli la baignoire" et moi, nous sommes assis ensemble sur un seul véhicule : notre CLASSIC avec toit. Nous avons donc roulé ainsi, Detlef assis dans son fauteuil roulant, accroché comme à une caravane. On a roulé assez vite. ‘’Pauli la baignoire’’ et moi avons échangé intensément sur ce qui se passait à la foire et il se trouve que nous n’avons pas vu une gaine de câble posée au milieu de notre route. Nous avons roulé sur la gaine à une telle vitesse que nous nous sommes tous deux cognés la tête contre le toit. Le cher Detlef l'avait vu venir et s’était décroché, mais avec sa seule main, il ne pouvait actionner qu'un seul frein, après quoi il s'est arrêté en faisant un tête-à queue. Pendant que Paul et moi nous frottions la tête, Detlef riait à gorge déployée : "Hahahahaaaa, comment peux-tu être aussi stupide... ! Detlef s'est à nouveau accroché à notre véhicule et nous avons continué notre route. Paul et moi étions toujours en train de nous frotter la tête. Detlef devait encore être en train de réfléchir à notre stupidité, en tout cas il a négligé un sillon qui traversait le parcours. Il n'a pas réussi à enlever le poids de ses roues avant et patatra… Detlef était allongé sur le ventre au milieu de la route. Après le choc initial et l'assurance qu'à part quelques égratignures, il n'avait pas subi de blessure grave, ‘’Pauli la Baignoire’’et moi avons ri aux éclats pendant que Detlef ramassait ses lunettes et se hissait à nouveau sur son fauteuil roulant. "Comment peux-tu être si négligent ?", avons-nous crié en chœur.
À ce moment-là, un groupe de vendeurs, également de la foire, s'est approché. Ce qu'ils ont vu : il y a une personne handicapée qui n'avait qu'un seul bras et était étalée par terre et au lieu de l'aider, on se moquait de lui ! Ces dames et ces messieurs étaient horrifiés et voulaient nous confronter. Seul Detlef est resté calme : il savait exactement pourquoi il avait mérité nos rires. Nous n'avons pas réussi à mettre les événements passés dans la balance. C'est Detlef qui a calmé le groupe et leur a assuré que tout ce qui s'était passé faisait partie d'un plan plus vaste et n'était pas ce qu'il semblait être. En secouant la tête, le groupe a poursuivi son chemin.
Nous nous sommes tous dirigés vers le bar le plus proche et avons bu à ce que nous avions vécu ensemble. Detlef a senti qu'il était vraiment à sa place. Lorsqu'une personne est prise au sérieux, qu'elle peut donner et aussi recevoir, même si ou malgré son handicap, le fossé entre handicapés et non-handicapés est comblé à 100%.
J'ai appris :
- Une situation, vue sous différents angles, peut être interprétée différemment.
- Il est vraiment bon pour les deux parties de combler le fossé entre les handicapés et les non-handicapés.