Comment j'ai appris le français
Nous avions une équipe de vente complète en Suisse alémanique, mais cela n'a pas vraiment fonctionné avec le vendeur francophone. Comme ni Lukas, ni Tina, ni moi ne parlions français, nous avons cherché un vendeur francophone qui parle aussi allemand. Nous avons trouvé Jean-Claude Moy, un ancien cadre qui voulait travailler un peu au-delà de sa retraite. Il était très aimable, extrêmement charmant, capable de communiquer avec nous en allemand ainsi qu'avec les acheteurs potentiels francophones dans leur langue maternelle. Il avait une grande expérience de la vente et était prêt à faire face à toutes les situations - mais il y avait un problème : il ne vendait rien ! Un jour, il m'a dit qu'il avait essayé assez longtemps de vendre nos véhicules et qu'il n’y arrivait simplement pas. Il abandonnait et avait déjà un remplaçant pour lui : Marc Klauser. Marc était auparavant photographe et avait ensuite vendu du matériel de traitement pour Kodak. Marc était un très bon vendeur avec un inconvénient : il ne parlait pas un mot d'allemand.
Nous avons convenu de nous rencontrer à une foire commerciale à Berne. J'y avais un stand et un acheteur potentiel est venu au rendez-vous avec Marc. L'intéressé était atteint d'infirmité motrice cérébrale et pouvait à peine parler. Une personne atteinte d'infirmité motrice cérébrale ne peut pas coordonner entièrement ses muscles. S'il n'était pas totalement concentré sur quelque chose, il se déchaînait de façon sauvage et incontrôlable. Il pourrait aussi se blesser ou blesser les autres. J'avais du mal à me concentrer sur Marc et le prospect en même temps. Comme l'intéressé, avec ses mouvements incontrôlés, exigeait plus de mon attention, je me suis occupé de lui. Je me suis vite rendu compte que derrière son apparence un peu particulière se cachait un esprit alerte. Alors je l'ai assis sur un véhicule. Nous avons suivi le service, il a tout répété dans son langage difficile à comprendre. Nous utilisions tout ce qui était à notre disposition : la parole, le papier-crayon, les mains, les pieds, tous les objets qui traînaient étaient inclus dans la communication. Puis vint le test de conduite, au cours duquel je l'ai d'abord accompagné, puis laissé conduire librement. Au final, j'ai eu un client potentiel tout à fait satisfait qui, plus tard, a également acheté un véhicule chez nous et en a été très heureux. Après environ deux heures - c'est le temps qu'a duré toute la manifestation - je me suis retourné vers Marc. Je lui ai demandé en allemand s'il était capable de le faire. "Quoi ? Je ne parle pas l'allemand. Est-ce que vous parlez français ?" a demandé Marc. J'ai répondu : " Non - mais : Est-ce que vous êtes intéressé à vendre des véhicules pour nous ? " "Oui ! " " Est-ce que vous pouvez faire ça comme moi ? " " Oui, je pense ça va. " " Et, est-ce que vous apprenez l'allemand ? " " Non ! "
Mais, j'ai une idée : Vous apprenez le français et moi, je vends des véhicules pour vous en suisse romande ! Nous nous sommes regardés dans les yeux. Marc le pensait sérieusement, comme tout ce qu'il disait, comme je devais le savoir plus tard. On s'est serré la main et j'ai eu mon vendeur francophone. Il ne restait qu'un seul problème : je devais apprendre le français. Si seulement mon ancien professeur de français avait su cela. Elle m'avait classé dans la catégorie "a fait et fait des efforts", un cas difficile. Mais maintenant, il n'y avait plus d'issue. Marc était un professeur patient. C'était mon collègue de travail, donc il devait me comprendre. Si ce n'était pas le cas, il demandait jusqu'à ce que nous trouvions un consensus commun. C'est ainsi que j'ai vraiment appris à m'exprimer un peu mieux en français, et Marc a vendu les véhicules pour nous en Suisse romande avec beaucoup de succès pendant de nombreuses années.
J'ai appris dans le processus :
- De temps en temps, vous devez dépasser vos limites pour réussir.
- L'apprentissage d'une nouvelle langue élargit vos horizons